Edouard Luntz (1931-2009)
Les documentaires de Edouard Luntz sont à rapprocher de ceux de Chris Marker, Agnès Varda, Jean-Daniel Pollet ou du wallon Jean Delire.
Edouard Luntz est surtout à classer avec Jean Eustache. C'était aussi un proche d'Alain Jessua et Maurice Pialat.
Il y a un important aspect sociologique à la Jean Rouch/Edgar Morin.
Son idéologie est l'anarchie. Contrairement à Godard, Luntz n'était pas une girouette et est resté (en tout cas pendant les agitées années '59 à '74) sur la même ligne : un gentil marxisme anar un peu naïf, corrosif contre les institutions, comme le Charlie Hebdo des seventies.
Si Edouard Luntz a peu évolué politiquement, son cinéma a évolué rapidement (suite à un tournage au Brésil qui lui permet de rencontrer ses confrères du cinéma Novo) du néoréalisme sociologique (qui annonce le cinéma de Maurice Pialat) vers un surréalisme un peu trop évanescent.
Edouard Luntz réalise son dernier film à l'âge de 42 ans. Suite notamment à deux échecs ("L'humeur vagabonde" et "Le grabuge"), il sombrera ensuite dans des dépressions et ne parviendra plus jamais à réaliser. Il ne travaillera plus que pour la télévision, de plus en plus occasionnellement.
Triste destin pour un réalisateur qui a concrètement aidé plusieurs jeune prolétaires, plus ou moins voyous, à travailler dans l'audio-visuel, comme le couple Prim et Gérard Zimmermann. Ou Éric Penet qu'il a employé dans plusieurs films. Et même Loulou qu'il a payé pour le documentaire sur sa sortie de prison.
Luntz a acquis une réputation de personnage au caractère difficile. Son conflit avec un très important producteur des studios hollywoodiens l'a ostracisé dans la profession, qui lui a reproché de faire fuir les investissements américains dans le cinéma français.
Aussi, Edouard Luntz a été envoyé en repérages à New York dans le cadre du projet d'un remake de "Les cœurs verts", mais on dit qu'il aurait dépensé l'argent dans l'achat de cocaïne.
Son directeur de la photographie est Jean Badal qui a été aussi responsable de l'image notamment sur "Playtime" (1967) de Jacques Tati. Et pour Jules Dassin, Marcel Carné ou Jean-Pierre Mocky.
Rétrospective au Nova (Bruxelles) en novembre et décembre 2018.
Edouard Luntz est surtout à classer avec Jean Eustache. C'était aussi un proche d'Alain Jessua et Maurice Pialat.
Il y a un important aspect sociologique à la Jean Rouch/Edgar Morin.
Son idéologie est l'anarchie. Contrairement à Godard, Luntz n'était pas une girouette et est resté (en tout cas pendant les agitées années '59 à '74) sur la même ligne : un gentil marxisme anar un peu naïf, corrosif contre les institutions, comme le Charlie Hebdo des seventies.
Si Edouard Luntz a peu évolué politiquement, son cinéma a évolué rapidement (suite à un tournage au Brésil qui lui permet de rencontrer ses confrères du cinéma Novo) du néoréalisme sociologique (qui annonce le cinéma de Maurice Pialat) vers un surréalisme un peu trop évanescent.
Edouard Luntz réalise son dernier film à l'âge de 42 ans. Suite notamment à deux échecs ("L'humeur vagabonde" et "Le grabuge"), il sombrera ensuite dans des dépressions et ne parviendra plus jamais à réaliser. Il ne travaillera plus que pour la télévision, de plus en plus occasionnellement.
Triste destin pour un réalisateur qui a concrètement aidé plusieurs jeune prolétaires, plus ou moins voyous, à travailler dans l'audio-visuel, comme le couple Prim et Gérard Zimmermann. Ou Éric Penet qu'il a employé dans plusieurs films. Et même Loulou qu'il a payé pour le documentaire sur sa sortie de prison.
Luntz a acquis une réputation de personnage au caractère difficile. Son conflit avec un très important producteur des studios hollywoodiens l'a ostracisé dans la profession, qui lui a reproché de faire fuir les investissements américains dans le cinéma français.
Aussi, Edouard Luntz a été envoyé en repérages à New York dans le cadre du projet d'un remake de "Les cœurs verts", mais on dit qu'il aurait dépensé l'argent dans l'achat de cocaïne.
Son directeur de la photographie est Jean Badal qui a été aussi responsable de l'image notamment sur "Playtime" (1967) de Jacques Tati. Et pour Jules Dassin, Marcel Carné ou Jean-Pierre Mocky.
Rétrospective au Nova (Bruxelles) en novembre et décembre 2018.
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- DirectorÉdouard LuntzA documentary about the sad plight of those living on the outskirts of Paris.Troisième court métrage d'Edouard Luntz. Les deux premiers semblent totalement oubliés.
Un enfant, son grand-père et sa bande dans les bidonvilles de la proche banlieue parisienne peuplés d'Espagnols, Portugais et Algériens.
C'est "Le chantier des gosses" parisien. Joliment photographié par un Jean Badal encore débutant. Il deviendra le directeur de la photographie de tous les longs métrages de Edouard Luntz, et notamment sur "Playtime" (1967) de Jacques Tati. Et pour Jules Dassin, Marcel Carné ou Jean-Pierre Mocky.
L'assistant de Badal est déjà le père de Matthieu Kassovitz qui réalisera "La haine".
Prix Jean Vigo 1960 du court métrage, tandis que celui du long a été attribué à "À bout de souffle" de Godard.
Peut-être un peu trop facilement mélodramatique.
Vu une copie en très bon état au Nova en novembre et décembre 2018.
petit 10- autre film que ne trouve pas le moteur de recherche des listes IMDb :
Film perdu, impossible à voir.
Était pourtant un des courts préférés du cinéaste, qui par contre ne citait pas "Volcans endormis". - DirectorÉdouard LuntzFilm perdu, impossible à voir.
- DirectorÉdouard LuntzStarsMichel GarlandRemarquable film touristique de commande sur l'Auvergne, peu à peu détourné vers d'autres horizons comme la poésie, l'humour facétieux et le marxisme à la Guy Debord.
D'une richesse insoupçonnée.
Dans la veine des documentaires géographiques de Chris Marker, Agnès Varda et Jean-Daniel Pollet.
M'a aussi rappelé le ton de "La belle époque" (1960) du Wallon Jean Delire, autre cinéaste injustement oublié.
Photographie de qualité et paysages variés.
Un bijou du genre. Malheureusement injustement complètement oublié.
La même année, Edouard Luntz réalise un autre film touristique, celui-là sur la Corse en forme de documentaire sur la chasse au sanglier. Moins fulgurant que "Volcans endormis".
Vu une copie rarissime de bonne qualité au Nova en novembre et décembre 2018.
gros 10
À programmer avec "Ô saisons, Ô châteaux" (1957) d'Agnès Varda, son premier (?) court, peut-être son meilleur. Sur les châteaux de la Loire.- "A Caccia" (1962)
Film touristique sur la Corse, moins intéressant que "Volcans endormis" réalisé la même année par le même cinéaste.
Il s'agit ici plutôt d'un documentaire, à la belle photographie lumineuse et cézannienne, sur la chasse au sanglier par des paysans du coin, avec cruelle longue mise à mort de l'animal.
La musique est un peu trop tonitruante.
Question rythme, cela démarre un peu laborieusement, avent de se terminer assez abruptement.
Vu une copie rarissime de bonne qualité au Nova en novembre et décembre 2018.
9 - DirectorÉdouard LuntzStarsCatherine BacholetAntoine BonfantiMarc ChampionCourt métrage documentaire sociologique à la Jean Rouch/Edgar Morin.
Sur des jeunes yéyé bientôt appelés au service militaire.
Point de départ de "Les cœurs verts" (1966).
Idéologiquement pacifiste et anarchiste. À la fin, Léo Ferré déclame, avec une relative sobriété (il deviendra plus lourdingue des années plus tard), une poésie d'Aragon.
Sera totalement censuré en France pendant plus de vingt ans.
Vu une copie numérique trop contrastée, mais ne semblant pas abusivement restaurée, en novembre et décembre 2018 au cinéma Nova.
10- "L'escalier" (1964)
Court métrage un peu d'avant-garde, ayant pour cadre les escaliers de la Gare Saint-Charles de Marseille (que j'ai d'abord confondu avec ceux de Montmartre.)
Le prétexte est le temps qui passe, représenté par les marches.
Dans la veine des courts documentaires d'avant-garde de Chris Marker, Agnès Varda et Jean-Daniel Pollet.
M'a aussi rappelé le ton de "La belle époque" (1960) du wallon Jean Delire, autre cinéaste injustement oublié.
Vu en novembre et décembre 2018 au Nova une copie numérique de qualité moyenne, contenant le time code dans l'image. Et un coq (de la Pathé, je dirais.)
Film quasi-impossible à voir, le détenteur des droits exigeant 500 euros par projection, ce qui le condamne à l'invisibilité.
petit 10 - DirectorÉdouard LuntzStarsGérard ZimmermannEric PenetMarise MaireOutside at night. Tower of lodgings. A syncopated jazz accompanies the successive appearances of young people in front of the camera. Zim, delivered to the police by locals for stealing gasoline, ends up in jail. On the day of his release, he meets Jean-Pierre, who has just been released from the same Parisian jail. The two youngsters become friends. Back in the suburb, Zim decides to find a job and tries to convince Jean-Pierre to go with him - without success.Ours d'argent (deuxième prix) de la Berlinade.
Le projet a pris plusieurs années avant de se réaliser. Alain Jessua a aidé le cinéaste a trouver des fonds.
Le tournage, tumultueux (des acteurs sont même partis, sans prévenir, passer le week-end à la mer, en automobile de la production) a lieu à la rentrée 1965.
Edouard Luntz avait l'intention de reprendre des acteurs de son précédent court métrage de 1963 "Bon pour le service" qu'il avait suivis après un passage en prison, mais ceux-ci avaient vieilli en trois ans, passant de 18 à 21 ans. L'un était retourné en prison, tandis que l'autre s'était rangé, marié et ne parlait plus le même langage, comme il l'a dit.
Gérard Zimmermann, un des deux acteurs principaux n'est autre que le camarade de Jean-Pierre Léaud dans "Le Père-Noël a les yeux bleus". (Il est parfois erronément crédité pour avoir joué dans "Du côté de Robinson" en raison de la ressortie du film accompagné de "Le Père-Noël a les yeux bleus" sous le titre général de "Les mauvaises fréquentations").
Blouson noir, Gérard Zimmermann s'était fait connaître pour avoir passé des mois en prison à l'âge de 14 ans et avoir récidivé peu de temps plus tard. Il a connu une courte carrière de petits rôles au cinéma.
Luntz l'avait d'abord engagé comme assistant accessoiriste, puis le fait participer aux essais.
Son plus gros cachet étant le Luntz maudit et invisible tourné au Brésil en 1968 "Le grabuge".
Gérard Zimmermann est né en 1943. Sa modeste carrière d'acteur s'est terminée au début des années '80 (il joue encore un petit rôle dans "Neige" de Juliet Berto et Jean-Henri Roger), mais dès le tournant des années '70, Lunz l'avait aidé à trouver un CDI comme ingénieur du son (à l'ORTF ?)
Edouard Luntz (qui a été récompensé du prix Vigo du court métrage en 1960 pour "… Enfants des courants d'air", tandis que Godard obtenait celui du long métrage pour "À bout de souffle") semble avoir arrêté son métier à l'âge de 42 ans. Suite entre autres à deux flops commerciaux, il a sombré dans des dépressions de plus en plus profondes. Mais heureusement pour lui, il provenait d'un milieu financièrement aisé.
Monique Prim, une autre membre de la même bande de jeunes (qui ne fait que deux courtes apparitions dans le film) s'est retrouvée assistante-monteuse sur "Les cœurs verts". Ensuite, après avoir accumulé les stages et les boulots d'assistante-monteuse, notamment sur "La grande bouffe", "Ne touchez pas à la femme blanche" et "La maman et la putain", Monique Prim sera la chef-monteuse des premiers Beinex jusqu'à "37,2 le matin" pour lequel elle sera nominée aux César. Après ce sommet, ses dernières vingt années de carrière furent moins brillantes. Elle a fait remarquer qu'elle (sur)vit aujourd'hui d'une très modeste retraite.
Son ex-mari de l'époque, Bernard Prim, qui joue également un des blousons noirs, est devenu photographe de plateau, notamment sur "Le genou de Claire" (1970), "Nous ne vieillirons pas ensemble" (1972), "La maman et la putain" (1973), "Mes petites amoureuses" (1974), "Le locataire" (1976), "Marie-poupée" (1976) et "Tchao Pantin" (1983)… Beaucoup de mes films préférés.
Concernant le film lui-même, il a un côté sociologique à la Jean Rouch/Edgar Morin avec d'abord une enquête par le réalisateur sur les membres de bande. Puis l'écriture d'une fiction inspirée par la réalité. Puis le jeu par ces non-professionnels. Le jeu est parfois trop mauvais, maladroitement surjoué ou ridicule, surtout quand crie Éric Penet, le seul qui ne faisait pas partie de la bande, un jeune marin rencontré par Gérard Zimmermann sur une plage de l'Ouest.
"Les cœurs verts", version française yéyé de "La fureur de vivre" / "Rebel Without a Cause" (1955) de Nicolas Ray dont le cinéaste avait été l'assistant neuf ans plus tôt, fait la jonction entre "Du côté de Robinson" a.k.a. "Mes mauvaises fréquentations" et "Passe ton bac d'abord" et "Loulou" de Pialat. (Arlette Langmann, la compagne de Maurice Pialat, qui était aussi sa scénariste, avait eu une relation avec un des voyous du film, celui qui s'appelle "Loulou". Il tournera mal par la suite, multipliant les peines de prison. Fin 1980, Loulou joue un dernier petit rôle dans "Neige" de Juliet Berto et Jean-Henri Roger.)
On cite inévitablement "La haine" réalisé par le fils de l'assistant de Edouard Luntz. J'ai vu "La haine" à sa sortie au cinéma Opéra à Liège (et revu vers 2000 au Musée). J'en ai un souvenir radicalement différent car c'était très noirs et maghrébins, tandis que dans "Les cœurs verts", il n'y a pas de noirs ou de maghrébins. Ce sont des voyous 100% français.
Luntz était un grand admirateur des néoréalistes deux premiers Pasolini ("Accatone" et "Mama Roma") et cela se sent, y-compris avec le regard homosexuel. J'ignore si Edouard Luntz était ouvertement homosexuel, mais l'audacieuse et poétique scène de la piscine qui montre des corps d'hommes nus ne laisse que peu de doutes. La candeur dans laquelle baigne "Les cœurs verts" vient de ces Pasolini.
Certains plans des adolescents fondus dans les paysages de banlieue sont graphiquement très beaux.
C'est tourné à Nanterre, notamment sur le terrain en chantier où sera construit le quartier de la Défense.
La musique est du free-jazz correct et Serge Gainsbourg a composé une musique originale pour "Les cœurs verts", depuis devenue fameuse : quelques années plus tard, il a ajouté des paroles et c'est devenu "Je t'aime moi non plus" (« Je vais et je viens, entre tes reins, … »)
"Les cœurs verts" a été un succès critique et public (un an à l'affiche à Paris).
Vu au Nova en novembre et décembre 2018 une copie d'origine de la Cinémathèque de Grenoble en bon état (quelques verticales très légères et en bord de bobines une saute un peu gênante et quelques petites griffes.)
10 - DirectorÉdouard LuntzStarsPatricia GozziCalvin LockhartJulie DassinGrosse production tournée au Brésil en 1968.
Il est important de signaler que ce film est en (jolies) couleurs car on n'en voit généralement que des photographies en noir et blanc.
Film maudit et mutilé du cinéaste qui a connu d'importants soucis de production et de distribution.
C'est une sorte d'équivalent sixties de "L'Atalante" de Jean Vigo. Malheureusement "Le grabuge" attend encore une restauration convenable, peut-être impossible.
Darryl Zanuck, célèbre producteur hollywoodien (les John Ford à l'aspect renfermé, "Lifeboat" d'Hitchcock, "Le jour le plus long", …), souhaitait investir en France (de surcroît les studios étaient légalement obligés de réinvestir dans l'Hexagone un pourcentage de ce qu'ils y gagnaient). Suite au succès de "Les cœurs verts", Zanuck propose à Edouard Luntz de financer son prochain film. Celui-ci lui envoie plusieurs scénario que le producteur refuse, jusqu'à ce qu'il accepte celui du "Le grabuge" qui ne plaisait pas particulièrement à Luntz. Ce projet, écrit par un anthropologue présenté au cinéaste par Edgar Morin, avait encore pour cadre la banlieue parisienne (Gennevilliers et son port sur la Seine.)
Le producteur décide d'imposer dans le rôle principal Patricia Gozzi, la jeune actrice de "Les dimanches de Ville-d'Avray" (énorme succès aux USA), avec qui il avait signé une option qui arrivait bientôt à expiration, d'augmenter substantiellement le budget et de déplacer l'action d'abord à la côte d'Azur, puis sur une île comme Majorques, ce qui exige une adaptation du scénario.
Edouard Luntz visite des îles, puis termine les repérages à Lanzarote, dont les paysages arides le séduisent (c'est dans ce décor que quelques mois plus tard sera tourné le splendide "La route de Salina" de Georges Lautner.)
Mais à une semaine du tournage, le producteur envoie l'équipe au Brésil où il avait prétendu avoir de l'argent à dépenser, ce qui n'était en fait pas le cas, peut-être seulement un prétexte.
En conséquence, le film doit être tourné en anglais afin de toucher le marché international, pour rentabiliser le budget qui a explosé. Cette langue étrangère est un problème pour la bande de petits voyous de "Les cœurs verts", qui n'avait jamais espéré prendre des vacances aussi exotiques.
Edouard Luntz débarque dans ce pays lointain qu'il ne connaît pas et décide de d'abord y rencontrer son avant-garde artistique, surtout les cinéastes du cinéma Novo, notamment Rui Guerra ("Os Cafajestes" en 1962), cinéaste diplômé de la Femis, occasionnellement acteur pour Georges Rouquier ("S.O.S. Noronha" en 1957), Jean-Daniel Pollet ("Le maître du temps" en 1970), Pierre Kast ("Les soleils de l'Île de Pâques" en 1972) et Werner Herzog ("Aguirre, la colère de Dieu" la même année.)
Les repérages prennent plus de temps que prévu. Par exemple, on ne trouve pas de falaise au Brésil. De surcroît, le contexte social brésilien est totalement différent de celui des blousons noirs des banlieues françaises.
Edouard Luntz souhaitait tourner à Manaus, au Nord-Ouest, en Amazonie, mais il n'est pas écouté.
François Truffaut, suite à sa mauvaise expérience sur le pourtant réussi "Fahrenheit 451", a ensuite toujours évité de tourner à l'étranger. Il a notamment refusé de réaliser "Bonnie and Clyde" l'année suivante (tandis que la production a refusé l'offre de Jean-Luc Godard.)
Comment ose-t-on reprocher à un réalisateur peu expérimenté de ne pas trouver des décors adéquats à un scénario prévu pour être tourné à des milliers de kilomètres ?
Le producteur aurait dû s'assurer que les repérages étaient terminés et le scénario adapté au pays qu'il avait choisi brusquement en dernière minute, avant d'envoyer l'énorme équipe sur place.
Dans l'effervescence de mai '68, alors que la direction de la production est éloignée entre Los Angeles et Paris, Edouard Luntz, largement en roue libre, improvise autour du scénario (qui n'a jamais été réécrit en fonction des changements) lors d'un tournage sauvage, à la manière du Cinéma Novo, notamment des films de Glauber Rocha, et réalise une œuvre bunuelienne de trois heures.
Certains médisants ont accusé l'équipe de n'avoir pensé qu'à bronzer, au carnaval et à s'empiffrer au milieu de la misère brésilienne, mais un véritable long métrage a quand même bien été réalisé, peut-être trop explosif, trop provocateur.
À la première projection, le résultat déplaît fortement au producteur (et à sa jeune maîtresse). Refusant toute communication avec le cinéaste, il confisque les bobines, puis fait raccourcir et remonter totalement le film à sa sauce par le futur réalisateur Andrzej Zulawski (aucun réalisateur français n'avait accepté ce boulot indigne et polémique que le Polonais a ensuite toujours honteusement caché).
Edouard Luntz a intenté un procès pour le droit au final cut, qu'il affirme avoir gagné (en réalité, le jugement est plus flou et ambigu) … Mais des parties supprimées ont été définitivement détruites.
C'est finalement un montage bâtard (difficile de cerner aujourd'hui la part de Luntz et la part de Zanuck-Zulawski) et très court qui sort le 10 mai 1973, avec quatre ans et demi de retard, en seulement trois copies en France (seulement trois copies pour toute la France !)
Ce fut un nouvel échec commercial, après l'énorme flop de "L'humeur vagabonde" sorti en 1972.
"Le grabuge" a bénéficié d'une petite sortie au Brésil, au début des années '80, sous le titre "Tumulto". Ce serait une version de 90 minutes, selon les maigres sources, à la fiabilité incertaine, que l'on trouve sur le Net.
Le montage original de trois heures n'existe plus.
La version mutilée est aujourd'hui très difficile à voir. La Bibliothèque du Congrès à Washington abrite une copie que Julien Frey, ancien étudiant en cinéma, a vue. Il y a aussi au minimum une copie en France, mais c'est encore la Fox qui détient les droits et empêche les projections. Par contre, la Fox n'a plus les droits sur la musique qui appartiennent maintenant aux héritiers de la famille de Baden Powell, un musicien brésilien dont
la carrière était alors en train d'exploser internationalement.
J'ai aperçu le très beau générique de début. Qui est peut-être une relique du montage original du cinéaste. Il ressemble un peu à une bande-annonce.
Les couleurs et la mise en scène sont soignés. La typographie est joliment travaillée. On voit la jeune actrice Patricia Gozzi en mariée, dans une église baroque. Quelqu'un dépose une couronne sur ses cheveux. Plans d'une marche religieuse catholique dans une vieille ville brésilienne. Plans de têtes momifiées, ce qui est objectivement choquant (on n'imagine pas une diffusion à la télévision en prime time.)
Le plus absurde est que le cinéaste et le producteurs ne se sont jamais adressés la parole, tous leurs échanges s'étant faits par courrier ou intermédiaires. Lors de la première projection, Zanuck est parti sans dire au revoir. Luntz lui a intenté un procès qui n'a, en fin de compte, abouti à rien (comme l'a justement remarqué Jules Dassin.)
L'argument du produit sorti est : Issue d'une famille bourgeoise implantée au Brésil, Dina épouse un homme qu'elle n'aime pas. Le jour même de son mariage, elle se remémore (ou elle rêve) des aventures extraordinaires qu'elle a vécues : chef d'une bande de jeunes contrebandiers, elle et les jeunes gens qui la suivent, détournent chaque nuit des bateaux et recueillent la marchandise. Mais une bande adverse découvre leur trafic et assassine froidement l'un d'eux. Dina continue néanmoins le trafic. Un jour cependant, elle se fait enlever par un Noir, chef de la bande ennemie,
et tombe amoureuse de lui. Les deux bandes s'unissent et partagent « affaires », « loisirs » et... drogue. Une nuit, un bateau échoue comme convenu : Dina découvre la marchandise et le corps mutilé de son amant. (copié des "Fiches du cinéma")
La version originale de "Le Grabuge" est en fait une mise en image des fantasmes d'une jeune grande bourgeoise qui rêve de sexualité morbide avec des délinquants. Avec une dose de nécrophilie. - DirectorÉdouard LuntzStarsMaurice RonetMichel BouquetCathy RosierAmbigu jeu du chat et de la souris entre Maurice Ronet et Michel Bouquet dans une petite ville de la grande banlieue parisienne, pendant mai '68.
Présenté comme un travail de commande, une œuvre mineure du cinéaste Edouard Luntz (qui lui aurait surtout permis de réaliser son film suivant "L'humeur vagabonde"), il s'agit d'un solide polar psychologique à la Chabrol (de surcroît les comédiens étaient des habitués chez Chabrol). Du Simenon anarchiste.
Contient l'une ou l'autre scènes oniriques magistrales.
Le personnage de la dompteuse et sa luxueuse habitation sont trop invraisemblables, ce qui dénote fortement dans l'ensemble réaliste. J'avais déjà eu cette impression décevante lorsque je l'avais vu une première fois au Musée ou à la télévision (?)
"Le dernier saut" a fait une carrière commerciale correcte.
Anticipe "Pile ou face" (1980) de Robert Enrico, "Garde à vue" (1981) de Claude Miller et "Le fantôme du chapelier" (1982) de Claude Chabrol.
Vu au Nova en novembre et décembre 2018 une copie en bon état (quelques petites griffes et petites fines verticales), mais un peu virée au rose, sans gravité. Le son était étouffé, rendant quelques dialogues incompréhensibles.
petit 10 - DirectorÉdouard LuntzJean-David LefebvreStarsJeanne MoreauMichel BouquetEric PenetA représenté la France à la Biennale de Venise en 1971, puis n'est sorti qu'une dizaine de mois plus tard.
Quatrième et dernier long métrage de fiction de Edouard Luntz, qu'il a lui-même produit, avec l'aide de l'ORTF. Suite aux mauvaises critiques, ce fut un flop commercial qui a entraîné des soucis financiers au cinéaste.
Si Edouard Luntz a peu évolué politiquement par rapport par exemple à la girouette Godard (qui est passé du tiers-mondisme au maoïsme, au situationnisme, au socialisme, puis au libéralisme bobo), son cinéma a évolué rapidement du néoréalisme sociologique vers un surréalisme un peu trop évanescent.
Œuvre bunuelienne qui anticipe certains films de Raoul Ruiz. C'est en réalité co-scénarisé par Jean-Claude Carrière et ce film aux tendances absurdes ressemble aux Bunuel scénarisés par Jean-Claude Carrière, comme "Le charme discret de la bourgeoisie" réalisé et sorti à la même époque. Ou "La voie lactée (1969) et "Le fantôme de la liberté (1974). "L'humeur vagabonde" est du même niveau, en un peu plus triste.
Jeanne Moreau joue un important second rôle, tandis que Michel Bouquet joue la plupart des seconds rôles masculin, une grosse vingtaine.
C'est un des deux films préférés de Michel Bouquet dans lequel il a joué (avec "Pattes blanches" sorti en 1949, de Jean Grémillon) qui avait même prévu de venir le présenter à Bruxelles, mais, à 93 ans, il en a été empêché par la maladie.
Le personnage principal est joué par Éric Penet, l'un des acteurs principaux de "Les cœurs verts". Peut-être celui qui jouait le plus mal, le seul qui ne faisait pas partie de la bande de Bastille, mais qui était marin dans l'Ouest. Son jeu décalé est un peu bressonnien. Le cinéaste le déshabille.
Cela confirme le regard homosexuel que je soupçonnais dans "Les cœurs verts".
L'histoire d'un ingénu provincial de 24 ans qui laisse femme, enfants et mère possessive, pour tenter sa chance à Paris, où il espère naïvement que quelques contacts l'aideront dans ses démarches. Il découvrira notamment le milieu de la bourgeoisie libertine.
Le rythme de "L'humeur vagabonde" est onirique, comme en demi-sommeil, et son ton est morose, mélancolique.
À la première vision, il semble trop dilué. Rappelle le cinéma de Pierre Étaix dont Jean-Claude Carrière était également le scénariste.
Les éléments qui devraient être réalistes ne le sont pas suffisamment, comme une famille pas si miséreuse qui marche longuement avec poussette dans la campagne pour simplement se rendre chez la mère de l'homme, les personnages trop clichés ou peu nuancés (la mère possessive et l'avocat très riche et décadent, etc.)
Quelque dialogues brillants. Jolie photographie.
Splendide visite du cimetière du Père-Lachaise.
Prend de la consistance à la seconde vision.
Vu au Nova une copie parfaitement conservée, des collections du Forum des images, en décembre 2018.
Vu également la bande annonce qui est
une réussite.
10, peut-être l'œuvre la plus aboutie du cinéaste.- "Loulou" (1974)
Version courte (50 ou 60 minutes ?) montée pour la télévision (coproduction "ORTF Recherche"). Une version longue de 90 minutes intitulée "La fête à Loulou" a bénéficié d'une petite sortie au cinéma, en 16mm (aujourd'hui le fils du cinéaste cherche les bobines.)
Documentaire, à la Jean Eustache, qui suit, avec respect, la sortie de prison de "Loulou", personnage / acteur du film "Les cœurs verts" (1966).
Membre de la bande de la Bastille, son père avait fait partie de la Bande à Bonnot, tandis que sa mère était une avorteuse. Il était tombé vers '68 pour vol à main armée. En libération conditionnelle, il doit trouver du travail et rembourser des frais de justice disproportionnés qui lui bouchent toute perspective d'avenir.
Loulou avait eu une relation avec Arlette Langmann, la compagne et scénariste de Maurice Pialat. C'est ce Loulou qui inspirera le personnage joué par Gérard Depardieu dans "Loulou" (1980).
Après cinq années d'enfermement, il retrouve ses anciens compagnons Gérard Zimmermann et le couple Monique et Bernard Prim, bien installés et travaillant dans le cinéma, notamment pour Jean Eustache et Marco Ferreri, grâce à l'aide du réalisateur Edouard Luntz.
Fin 1980, Loulou jouera un dernier petit rôle (de barman à Barbès-Pigalle) dans "Neige" de Juliet Berto et Jean-Henri Roger.
Il s'agit du dernier film d'Edouard Luntz, 42 ans, qui sombrera ensuite dans des dépressions et ne parviendra plus jamais à réaliser. Il ne travaillera plus que pour la télévision, de plus en plus occasionnellement.
Vu au Nova en décembre 2018 une numérisation très correcte, sans restauration abusive, par le Forum des Halles.
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